LA TAPISSERIE AU XV° SIÈCLE                            71
lain réclament une décoration plus intime. A. ces pièces de re­trait sont réservées les scènes amoureuses, les sujets de chasse, les idylles pastorales. La haute et immense salle habitée par la dame du chàteau et les enfants est divisée en plusieurs comparti­ments par des tentures tombant de longues traverses de bois sus­pendues au plafond, tandis que le sol est garni de chauds tapis velus, et que tous les meubles, escabeaux, bancs, tables de chêne massif, sont recouverts de coussins, de couvertures, de banquiers en riches étoffes ou en haute lice. •
L'art du tapissier prête ainsi aux tristes demeures féodales un aspect riant et plaisant, un confortable inconnu avant lui. La tapisserie est, en effet, la décoration la mieux appropriée aux besoins des peuples du Nord. Avant tout, il faut se défendre des intem­péries de l'hiver, il faut conserver la chaleur des cheminées où flambent les grands arbres de la forêt.voisine. Rien ne répond mieux à ce besoin que les épaisses étoffes de laine. Imposée en quelque sorte par les exigences du climat, l'industrie qui nous oc­cupe trouve clans les pays du nord de la France, dans les Flandres, dans la Suisse, son milieu naturel, tandis qu'elle ne sera jamais considérée que comme un art de luxe dans les régions plus méri­dionales, dont l'habitant est. plus préoccupé de se défendre du soleil que du froid.
A l'Italie, à l'Espagne conviennent bien mieux ies revêtements de marbre, de stuc ou de simple pierre que les lourdes tentures. Aussi, malgré tous les efforts pour introduire dans les petits États italiens l'art de la. haute lice, cet art ne pourra y vivre que gràce aux encouragements d'un Mécène généreux. La volonté toute-puis-. santé qui a fait venir les ouvriers du Nord, qui a mis les métiers en mouvement, cesse-1 - elle un moment de veiller sur ces manu­factures créées à grands frais, les ateliers se ferment, les tapis­siers reprennent le chemin de leur pays.-En un mot, la tapisserie, rie répondant pas aux exigences du climat méridional, ne sera ja­mais, dans les pays baignés par la Méditerranée, qu'un objet de luxe et d'ostentation. C'est ce qui nous explique l'état précaire et l'éphémère existence de ces nombreux ateliers italiens dont chaque jour vient nous révéler l'existence. On aura beau substituer la soie à la laine, multiplier l'or et l'argent dans le tissu, pour augmenter la légèreté, la fraîcheur de l'étoffe, en même temps que son éclat, et aussi pour la défendre de ses ennemis les plus acharnés, la